Vue du potager d'Itinéraire Bis Gourmand 2021, Cliché Emilie Jaworski DR Itinéraire Bis Gourmand

To bio, or not to bio…

Emilie Conserver, Se réinventer Leave a Comment

Lecteurs, lectrices, après de longues et profondes réflexions, nous nous sommes décidés à la certification bio. Qu’est-ce que ça change ? En réalité pas grand chose…

Aux débuts d’itinéraire Bis Gourmand, j’espérais pouvoir établir une relation de confiance avec mes différents partenaires et me passer de ce label largement phagocyté par l’industrie agroalimentaire. Pourtant, force a été de constater qu’il est important aux yeux de nombreux consommateurs et acteurs commerciaux. Finalement, je me suis pliée à la procédure…

Bien qu’au cours de toute cette procédure, l’envie m’a plusieurs fois prise de m’arracher la tête en plus des cheveux, je suis toujours là aujourd’hui pour vous en parler. Et il me tient à cœur de le faire !

De certifiable à certifié

Dès nos début dans la production de nos bocaux de légumes lactofermentés, nous avons privilégié les ingrédients certifiés bio et locaux. Nous travaillons régulièrement avec Gislène de Hof Seghers (Bever), Daan Desmet (son champ est à 3km de chez nous), De groentelaar à Pepingen. Quand l’entre-saisons belge ou les intempéries ne leur permettent pas de nous fournir ce dont nous avons besoin, nous allons vers Ecodal (Lennik) ou Interbio (Sombreffe).

Pour les épices les choses sont un peu plus compliquées. Bien que la plupart de nos épices soient certifiées bio et de qualité gustative irréprochable, d’autres sont particulièrement difficiles à trouver estampillées de ce label. En soi, rien de grave puisque la procédure autorise 5% d’ingrédients non bio, et bonne nouvelle, nous sommes bien en dessous des 5% !!! Bref, TOUTE notre gamme est certifiable.

La procédure : dédale infernal

Toute notre gamme est certifiable mais la procédure n’en est pas néanmoins complexe. Pour chaque produit non bio, il faut remplir une demande de dérogation justifiant son usage, preuves à l’appui. Il faut alors demander à Bioforum la liste des fournisseurs d’épices, leur téléphoner ou leur écrire afin de savoir s’ils distribuent telle et telle épice. Comme je m’y attendais, après moult appels et emails, chou blanc ! Donc ce sera la dérogation. Sauf que celle-ci n’est valable que 6 mois et renouvelable 3 fois. Elle n’est donc un sursis de 18 mois. Au bout de ces 18 mois, il faudrait donc négocier avec Bioforum pour faire passer les épices en question en « non disponible en bio » et avoir le droit de les utiliser sans dérogation. Vous me suivez toujours ? Et là, je dois vous avouer, je me suis découragée.

En résumé, toutes nos références sont certifiables, la plupart sont certifiées, mais 3 n’ont pas le label dans l’immédiat : le Kimchou/Zenne kimchi, le Rave Pickles et le Sichouan. Est-ce grave ? Non, car les épices qu’ils contiennent, certes non certifiées, sont issues de petites productions. Nous travaillons avec des artisans belges (Comptoir des épices, maison belge depuis 1925 ou Ingrédients du monde qui fournit nombre des meilleurs restaurants de Belgique) qui connaissent l’origine et la qualité des produits. Selon eux, le problème ne réside pas dans les méthodes de production des épices mais plus dans le coût d’une certification européenne.

Quand la procédure tique sur l’éthique

La question de la certification pose d’autres problèmes. Outre la lourdeur procédurale, elle fait affleurer un certain nombre de questions éthiques. Je pourrais effectivement me retrouver à devoir choisir entre un Chipotle mexicain hautement qualitatif produit par une coopérative indigène et encadrée par Slow food, et un Chipotle bio espagnol. D’un côté, je pourrai cautionner un savoir-faire ancestral et une communauté qui cherche à s’émanciper d’un lourd héritage colonial, de l’autre une industrie agroalimentaire aux pratiques plus que douteuses et offrant des conditions de travail déplorables à ses employé-es.

Pour ma part, dans une telle situation le choix est vite fait ! La communauté autochtone l’emporte haut la main ! Le prix à payer étant de renoncer à la certification bio pour le produit qui en contient ou de se lancer dans d’interminables procédures.

Une solution à l’horizon ?

Vous l’aurez compris lecteur et lectrices, cette certification a demandé de faire des choix difficiles. Ceci étant, il me tenait à cœur d’exposer la réflexion et les motifs de mon choix et surtout, de vous rassurer sur la qualité environnementale et sanitaire de nos produits non certifiés. Je le rappelle, les épices non bio utilisées proviennent de petites filières artisanales et elles sont bien en-dessous des 5% d’ingrédients non bio autorisés.

Terminons toutefois sur une bonne nouvelle. Anne Veriter du Comptoir des Épices, m’expliquait lors d’une conversation téléphonique que les petits producteurs tendaient à se fédérer en coopératives, leur permettant notamment d’unir leurs forces et de s’offrir les précieux certificats. Croisons les doigts pour que tout le Rave Pickles, le Sichouan et nos Kimchis puissent tout prochainement porter le précieux label sans que nous devions vendre notre âme au diable ni perdre la tête dans les dédales procéduraux.

Pour en savoir plus sur nos partenaires :

Le comptoir des épices

Rudy Smolarek, Ingrédients du monde